Pré-rentrée
Début Septembre. Les cours n'ont pas encore commencé pour les élèves et nous sommes conviés à l'IUFM pour préparer nos premières séances. Je ne me rappelle plus à quel moment nous apprenons où exactement nous aurons à enseigner...
Nous nous retrouvons à l'IUFM. Nous nous connaissons tous, à peu près, étant donné que ce concours (le CAPLP2 Lettres-Histoire) est rarement réussi par des candidats libres: en effet, en enseignement général, la bivalence est de mise, et il nécessite une sérieuse préparation. L'IUFM nous l'a donnée. Nous avons tous consacré une année à travailler de manière intense, et exclusive, ce concours. Les enseignants étaient -presque- tous de niveau universitaire, compétents, et formatés aux épreuves. La moitié de la classe a décroché le sésame pour la deuxième année: mauvaise année, en fait. Les places commencent à se faire rares dans tous les concours de recrutement de l'enseignement, ce qui augmente le niveau général.
Cela fait presque une semaine que nous assistons aux cours de nos formateurs et je suis pessimiste: ils sont certes sympathiques ("on se tutoie maintenant que nous sommes collègues!"), mais ils n'ont plus enseigné en Lycée professionnel depuis 25 ans. Les publics de ces établissements scolaires n'ont pourtant plus rien à voir! Nous allons avoir affaire à des élèves fortement démotivés, démoralisés par le collège unique, orientés de force dans des sections qui ne les intéressent pas et, dans cette académie de la région parisienne, maîtrisant mal la langue française.
La préoccupation première de nos formateurs est que nous organisions
bien nos séquences et nos séances. Ils utilisent un vocabulaire que je
ne comprends pas. Cela fait une semaine que je me demande pourquoi les
formateurs d'enseignants débutants sont des planqués qui ne pourront pas nous aider efficacement. On nous fait croire que la
motivation de ces exclus du parcours normal de la scolarité
(car c'est bien ça, l'orientation en LP) ne dépend que de nous. D'où
cette insistance à bétonner nos séquences. En Français, qu'est-il donc
important de faire en premier? Les fonctions du langage!
Je
crois que la première fois que j'ai entendu parler des fonctions du
langage, c'est vers la fin de l'année de préparation au concours, lors
de l'entraînement aux épreuves orales. C'est dire que ces notions sont
familières aux bacheliers des années 1980 que nous sommes.
L'enseignement du Français a en effet connu une révolution complète:
l'histoire littéraire a disparu, le Lagarde et Michard est
une oeuvre dont il convient de se moquer... Les cours de
Français en LP se limitent à l'apprentissage de notions de linguistique et de
stylistique; certaines de ces notions sont d'ailleurs très mal définies
par les spécialistes eux-mêmes, comme par exemple les registres, ou la typologie textuelle.
Je suis très malheureuse à la perspective d'avoir à enseigner cela à mes élèves.