L'inspection
Comme j'étais sûre d'être inspectée étant néotitulaire, j'ai coché la case "inspection demandée" sur la fiche réservée aux inspecteurs. Voilà donc que l'inspection s'annonce... trop tard: lorsque le mot est déposé dans mon casier m'informant de la venue de l'inspectrice et de son souhait d'assister à un cours de Français, il est trop tard pour en informer les élèves. Nous sommes bivalents en Lettres-Histoire, mais pas nos inspecteurs! Donc quand ils viennent, ils désorganisent complètement notre emploi du temps et nos progressions en exigeant une séance dans leur spécialité.
J'ai donc un week-end pour préparer une séance d'introduction à une oeuvre complète en sachant que les élèves n'auront de toute manière pas leur livre. Une séance que je n'avais absolument pas prévue. La faute aussi à la direction qui a attendu le dernier moment pour me prévenir, alors qu'il y a tant de collègues qui le sont des semaines avant! Je passe deux jours à Beaubourg, fabrique une séance pas trop mauvaise et attends avec nervosité de passer sur le grill.
Le jour J, je croise l'adjoint dans les couloirs qui tente de me rassurer "Ne vous inquiétez pas, je lui ai parlé des élèves que nous avons ici..." Je monte dans ma salle, fais entrer les élèves, l'inspectrice arrive suivie du proviseur!! Je n'ai aucune envie de l'avoir comme spectateur, mais je ne peux m'opposer à sa présence. Les élèves aussi sont tétanisées (c'est une classe de filles). Mais leur effroi ne sera que de courte durée. Leur comportement est odieux: elles interviennent à tout propos, rigolent... et me laissent impuissante. Nulle. Totalement inefficace.
A la fin de l'heure, le proviseur s'en va sans rien dire, je me retrouve seule avec l'inspectrice. Et là tombe le verdict: c'est mauvais. Elle me débite tous mes défauts sans me ménager, n'a aucune parole encourageante, à part que mes objectifs étaient intéressants mais... J'essaie de me défendre, d'expliquer qu'on ne peut tout de même pas attendre d'un néophyte une quelconque efficacité ou autorité dans de pareilles conditions. Elle évacue l'argument d'un "si!" qui ne souffre aucune réfutation. Il y a bien un moment où elle me propose une "aide" sans en expliciter les modalités. En fait, c'est une simple question de forme. Comme ça elle pourra le mettre dans son rapport. Elle aura fait son devoir.
Je sors de là effondrée, complètement démoralisée et en colère.
Les collègues compatissent.
Et la vie continue.
Quelques jours plus tard, j'ai l'occasion de voir le proviseur qui me raconte l'inspection de sa femme, également enseignante. Sa conclusion sur cette institution me réconforte: ces gens n'ont aucun sens des réalités du métier. Il a beau être un peu bourru ce proviseur, jamais il ne me reprochera mon manque d'expérience ou d'autorité. Il ne m'en félicitera pas non plus, hein! Mais au moins, il n'agira pas contre moi. Pas comme un autre, deux ans plus tard, et devant les élèves en plus. Qui, persuadé de ma grande nullité, fera venir un autre inspecteur que j'accueillerai sans rien avoir préparé, assommée de calmants. Et dont le rapport ressemblera à une longue leçon de morale sur l'intelligence des élèves à laquelle je ne croirais pas.
C'est scandaleux! Que savent-ils de mes pensées? Qu'ils critiquent ce qu'ils ont vu et entendu, et non pas ce qu'ils croient déceler de mes convictions.
Quand je compare ces deux rapports, je me rends compte que le premier n'est pas aussi catastrophique que j'ai voulu le voir.